Château de Chambord
Programme archéologique Caillou & Hofbauer

La tour Nord : retournement de situation

La tour Nord : retournement de situation

Au nord, les murs des deux fosses de latrines ont été bâtis en petits moellons de calcaire. La petite fosse est voûtée en demi-berceau de grand appareil de tuffeau. La grande fosse est voûtée en berceau de grand appareil de tuffeau et présente un remarquable ensemble de signes lapidaires.

Cependant, dès la première exploration, il est apparu que le système d’aisance de la tour nord est tout à fait singulier. S’il s’agit – comme ailleurs – d’un système à double fosse, son emplacement et ses dimensions sont vraiment atypiques. Curieusement, les deux fosses sont de longueur identique. En outre, leurs largeurs cumulées correspondent sensiblement à la largeur d’une grande fosse standard, telle qu’elle se présente dans les autres tours du donjon. De plus, le mur de refend ne présente à nouveau aucune jonction commune avec les parois des deux fosses, dont il apparaît qu’elles ne constituaient à l’origine qu’un seul espace. Enfin, l’emplacement du système dans le périmètre de la tour est particulier, et correspond précisément à celui qu’occuperait un système d’aisance standard si tout le plan de la tour nord était inversé.

Emplacement des fosses d’aisance dans le sous-sol du donjon. En orange : chaînages de maçonnerie = murs contemporains En bleu : absence de chaînage = murs isolés.

Ainsi, les premières apparences donnent à penser que les quatre murs de la grande fosse avaient été édifiés lorsqu’une inversion générale du plan de ce canton selon l’axe nord-sud devint nécessaire en raison de l’extension du projet et de l’abandon consécutif du plan originel. Ce retournement entraîna le rejet de la petite fosse initiale et la construction d’un refend au travers de la grande salle, la convertissant ainsi en un système à double fosse aux dimensions atypiques.

Une campagne d’analyse des mortiers utilisés lors de la construction des fosses de latrines semblait confirmer cette idée, mais des analyses complémentaires ont conduit à des conclusions contradictoires, et nous avons préféré renoncer, par prudence, à utiliser ces résultats.

 

La pièce manquante

Une piste reste cependant à explorer : si l’hypothèse du retournement du plan de ce canton est correcte, une petite fosse primitive dut vraisemblablement être prévue dans la portion nord-ouest de la tour nord, à l’image de celles que présentent les trois autres cantons. Les premiers bâtisseurs ont-ils eu l’occasion de construire cette fosse primitive avant que le plan de cette tour ne soit inversé ? L’exiguïté du volume dans lequel s’inscrivent les fosses connues plaide, en effet, en faveur de la présence d’autres structures en sous-sol.

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Plan schématique du système de latrines. En jaune : emplacement supposé de la petite fosse manquante.

En juin 2000, une campagne de prospections microgravimétriques et électriques révèle une hétérogénéité du sous-sol à proximité des cavités connues. L’enthousiasme est assurément au rendez-vous lorsqu’une anomalie apparaît à l’emplacement exact de la petite fosse présumée. Le signal recueilli par les prospections électriques indique la présence d’un remblai meuble peu conducteur – confirmé également par une série de carottages – comblant vraisemblablement la cavité attendue. S’agit-il alors de la quatrième petite fosse primitive, celle qui fait défaut pour restituer formellement le plan giratoire originel ?

En 2003, enfin, de nouvelles prospections géophysiques au géoradar complètent les premières analyses du sous-sol. Elles permettent de mieux saisir la nature bâtie et maçonnée de l’anomalie, lorsque le dessin typique d’un arc de voûte apparaît enfin clairement sur les écrans frétillants des appareils de mesure, dans la zone précise où la petite fosse de latrines manquante était attendue.

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Détection d’un arc de voûte sous la tour nord lors des prospections géophysiques menées en 2003.

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