Château de Chambord
Programme archéologique Caillou & Hofbauer

Les objets du quotidien

Les objets du quotidien

Outre leur fonction d’hygiène, les fosses d’aisance ont constitué les poubelles de Chambord à travers les siècles. Au Louvre, à Vincennes, Fontainebleau, ou Marly, l’étude des latrines a montré à quel point ces lieux pouvaient se révéler riches en enseignements.

A Chambord, ce sont les fragments de plus de 500 objets de céramique et de verre qui ont pu être recueillis à ce jour. De nombreux témoins de la vie quotidienne, parfois insolites, sont apparus sous les truelles : pipes, pièces de monnaies, encriers, jeux de dés, peignes, préservatif… ainsi que des ossements d’animaux de compagnie et de nombreux résidus culinaires : os, écailles de poissons, coquilles d’huîtres.

La présence d’objets du début du XVIe siècle suggère que les fosses de latrines – premiers espaces couverts du château – ont pu servir de cabane de chantier éphémère pour les bâtisseurs. Quelques fragments de vitraux peints qui représentent le collier de l’ordre de Saint-Michel avec le monogramme d’Henri IV et de Marie de Médicis ouvrent des perspectives historiques inattendues, car il était admis que ce roi n’avait mené aucuns travaux à Chambord, où il n’aurait jamais eu l’intention de venir.

La localisation du mobilier archéologique indique qu’il s’agit pour l’essentiel d’un ensemble redéposé lors d’un curage mené à la fin du XVIIIe siècle. En outre, un extrait de compte mentionne un autre curage des petites fosses en 1690, suite aux passages de Louis XIV. La plupart des objets retrouvés y ont ainsi été jetés entre les deux opérations d’assainissement.

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On compte parmi les objets retrouvés la plupart des éléments de vaisselle et de cuisine en usage au XVIIIe siècle… en céramique commune, en grès, en faïence et en porcelaine. Le château connaît alors plusieurs périodes d’occupation, et une étude céramologique finale pourrait permettre de retrouver les ateliers de production et, par là même, de distinguer la vaisselle datant des différents séjours :

– Stanislas Leszczyński, roi de Pologne en exil, séjourne à Chambord de 1725 à 1733
– en récompense de ses victoires militaires, le
comte et maréchal Maurice de Saxe est nommé gouverneur à vie de Chambord par Louis XV en 1748. Il y meurt en 1750
– son neveu, le comte de Friesen, s’y installe de 1750 à 1755
– le duc de Polignac est nommé gouverneur du château en 1784, charge qu’il conserve jusqu’à la Révolution.

Durant cette période, l’occupation du château par Maurice de Saxe constitue une période intense et faste pour Chambord. Il n’est donc pas surprenant que les différents types d’objets découverts renvoient à ceux inventoriés après le décès du maréchal en 1750. Cet état des lieux nous apprend que chaque chambre disposait d’une chaise de commodité et d’un nécessaire de toilette. Au total, on comptait environ 80 pots de chambre et autant de pots à eau, assortis de cuvettes. Il est aussi question de seaux à laver les pieds et, plus spécialement pour les femmes, de pots de chambre « à la Bourdaloue », ainsi que de chaises de propreté (bidets) : « … une chaise de commodité de bois de noyer garnie de son pot de fayance, un pot à eau et sa cuvette, un pot de chambre à la bourdaloue aussi de fayance […] meublant les appartemens et logemens du Régimens de Saxe volontaire… »

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Seau à rafraîchir et aiguière (XVIIIe siècle).

Par ailleurs, décrivant la batterie de cuisine, l’inventaire insiste sur les objets de cuivre, mais parle hélas peu des objets en céramique. Il n’évoque qu’un grand coquemar, certainement en terre cuite vernissée, quatre terrines et une cruche en grès. Pourtant, ces ustensiles de cuisine étaient alors très fréquents et variés. Les fouilles en ont livré une cinquantaine d’exemplaires : plats, assiettes, pichets, jattes, coupelles, seaux à rafraîchir, pots à cuire ou à conserve, poêles et poêlons, écuelles, faisselles, terrines, saladiers… Pour le service de table du maréchal, l’inventaire mentionne aussi plusieurs douzaines d’assiettes, des plats, des saladiers et des seaux à rafraîchir, dont plusieurs spécimens sont apparus sous les truelles, avec des verres et des bouteilles. Deux d’entre elles sont effectivement décorées aux armes de Maurice de Saxe.

De même, les couches du XIXe siècle ont livré une bouteille de verre portant un médaillon au chiffre couronné de Napoléon Ier : possible cadeau de l’empereur au maréchal Berthier. Enfin, parmi les derniers objets jetés dans les fosses de Chambord, figurent des pinceaux et de nombreux pots remployés pour les peintures du château.

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